Sabrina, 15 ans et demi
Atteinte de SEP depuis 3 ans
Quels ont été tes premiers symptômes, tu t’en souviens ?
Sabrina Je m’en souviens comme si c’était hier J’étais en 5e. C’était la fin de l’année scolaire. Pendant une semaine, je n’ai pas arrêté de vomir, je ne pouvais rien avaler, je me sentais faible. Et puis, je n’avais plus d’équilibre. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait…
Comment a réagi ta maman ?
S Elle m’a dit «Tu restes à la maison, repose-toi». Mais elle ne me croyait pas quand je lui disais que je ne sentais plus mes membres Et à l’école, tout le monde pensait que je jouais la comédie. Tout ça pour ne pas aller en cours de sport !
Ca n’a pas du être facile à vivre, pour toi…
S Non, c’était très dur. À l’école, tout le monde se moquait de moi, de ma marche. Et à la maison, ni ma mère ni ma soeur ne me prenaient au sérieux. Alors, je leur en faisais voir de toutes les couleurs je séchais les cours, j’insultais les professeurs, je ne faisais pas mes devoirs, j’étais régulièrement collée… Ma mère pleurait. Je faisais ça pour lui faire payer le fait qu’elle doute de moi. Mais la réalité, c’est que pendant quatre ans, j’ai dû me débrouiller toute seule.
Avec tout de même, le soutien d’une psychologue ?
S En fait, je vois une psy depuis que j’ai redoublé ma 5e. Mon professeur principal avait alerté ma mère que ça n’allait pas. Mais je ne vois pas vraiment ce que ça m’apporte. Je parle toute seule. Elle m’écoute sans rien dire… En janvier 2010, j’ai même fait une première tentative de suicide. Puis une autre en juin 2010. J’ai avalé des médicaments, parce que personne ne me croyait. C’était ma manière à moi de crier «au secours». Heureusement, aujourd’hui les choses ont changé.
Une nouvelle poussée en mars dernier, a ouvert les yeux de ton entourage…
S Oui, j’ai vécu une poussée encore plus violente que celle de 2008. Je n’arrivais carrément plus à marcher. Je me prenais des meubles, des murs, je me cognais mais je n’avais pas mal, je n’avais plus aucune sensation Je suis finalement retournée voir mon médecin généraliste qui, cette fois, a réussi à convaincre ma mère de m’emmener aux urgences. Dès mon arrivée, on m’a installée dans un fauteuil roulant. J’ai fait un IRM, et on a découvert des tâches blanches…
Tu as dû être «soulagée» d’être «enfin» entendue ?
S Oui, c’est sûr. Ma mère, ma soeur m’ont fait leurs excuses. À l’école aussi, le regard des autres a changé. Dès qu’ils ont su que j’avais passé deux semaines à l’hôpital, pendant les vacances d’avril, ils se sont excusés de m’avoir rejetée.
Et tu as enfin commencé un traitement de fond qui a porté ses fruits…
S Quand on m’a annoncé que j’allais avoir un traitement, je l’ai plutôt bien pris parce que je pensais que ces piqûres allaient me guérir. Mais plus le temps passe, moins je les supporte… Ca me fait mal de me piquer. Et puis je ne vous parle même pas des plaques rouges que j’ai sur le corps ou des kilos que j’ai pris. Mais je fais ce qu’il faut Et puis, mon état s’est quand même amélioré. Je peux à nouveau marcher, et je n’ai pas refait de nouvelle poussée.
Et la prise en charge à l’hôpital, comment l’as-tu vécue ?
S Ce que je regrette, c’est que les infirmières ne se soient pas directement adressées à moi pour m’expliquer comment faire les injections. Elles se sont adressées à mon grand frère, alors que c’était de mon corps dont il était question Ca m’a énervé qu’on me traite comme une gamine de 5 ans.
Aujourd’hui que le diagnostic est tombé, as-tu pu rencontrer d’autres jeunes, comme toi, atteints d’une SEP ?
S Non je n’ai pas eu cette chance. Mais j’aimerais bien. Je me sentirais moins seule et ils me comprendraient mieux, c’est sûr. Aujourd’hui je ne parle de ma maladie à personne. Mais ma mère en parle à tout le monde! Et ça me gêne. Tout le monde s’inquiète. Ceux qui ne s’intéressaient pas à moi avant, le font aujourd’hui. C’est trop.
Et toi, tu lui parles à ta maladie ?
S Oui. Souvent, je lui parle le soir. En fait, c’est comme si dans votre maison, il y avait un intrus, quelqu’un qui habite chez vous et qu’il n’y a aucun moyen de le faire partir de chez vous. Alors, je lui exprime ma colère «pourquoi t’es venue me voir Pourquoi tu me fais ça à moi Pourquoi t’es sur terre Pourquoi tu ne meurs pas ». Après, je m’énerve et là, je l’insulte. Ca défoule, mais ça ne guérit pas…
Qu’est-ce qui te fait le plus de bien aujourd’hui ?
S Paradoxalement, le sport Je me suis inscrite à une salle de musculation, où je vais tous les jours. Ca me défoule, ça me fait du bien, et comme mes médicaments me font grossir, ça me permet de stabiliser mon poids. Et puis, je me dis qu’il y a moins de chance que je finisse en fauteuil roulant, en restant active. J’ai fait une heure de vélo aujourd’hui Et je porte des poids de 7 kilos. C’est un peu comme si je narguais ma maladie. Je la combats par le sport.
Qu’est-ce qui te fait tenir aujourd’hui ?
S Le sport, où je fais de nouvelles connaissances. C’est mon ouverture sur le monde. Et comme je suis la plus jeune, les gens m’aident. Et puis il y a mon petit ami. S’il n’était pas là, je ne sais pas comment je pourrais faire face…
Parce qu’on peut être amoureux, même quand on a la sclérose en plaques…
S Bien sûr La sclérose en plaques ne se transmet pas C’est des contraintes, mais on peut être heureux, avoir une vie normale. Mais honnêtement, à mon âge, il faut avoir un copain mature. Surtout que je souffre aussi d’incontinence. Quand on se fait pipi dessus, si l’autre n’est pas un peu mature, il se moque de toi. Il faut quelqu’un qui puisse comprendre.
Où te vois-tu dans 10 ans ?
S Je me vois cuisinière, dans une maison ou un appartement que j’aurais acheté avec mon chéri.
Propos recueillis en septembre 2011
Sabrina