Interview de Muriel Londes,e-patiente
Muriel Londres est une e-patiente longtemps active auprès de l’association Vivre sans thyroïde. Elle est aujourd’hui coordinatrice de l’association [im]Patients, Chroniques & Associés, un collectif d’associations de patients concernés par la maladie chronique. Elle est également très active sur les médias sociaux de la sphère santé, et notamment une tweetos reconnue.
Qu’est-ce qu’apporte Internet dans l’échange entre patients et professionnels de santé ?
Je dirais que cela dépend de la nature du problème. Si le patient souffre d’un problème aïgu, une grippe par exemple, Internet ne lui sera pas d’une grande aide. En revanche pour une m
aladie chronique, Internet permet un rééquilibrage. En permettant l’acquisition de connaissances de la personne sur sa pathologie via les sites internet, notamment ceux des associations de patients qui recèlent d’informations « vulgarisés » ou dans les communautés de patients riches d’échanges sur le savoir expérientiel de la maladie, Il permet de parfaire la « vivrologie », c’est-à-dire la manière de vivre au jour le jour avec la maladie. Le patient devient alors acteur de sa santé. Ce rôle-là est accueilli de différentes manières par les professionnels de santé, mais il est de plus en plus accepté.
Quels sont les types d’échanges qu’il est possible d’avoir avec un professionnel de santé sur Internet ?
Différents échanges sont possibles entre patients et professionnels de santé. Il est par exemple possible pour un patient d’envoyer le résultat de ses analyses par mail à son médecin. Cependant ce type d’échange pose le problème de la confidentialité des données. Il existe également des plateformes de télémédecine qui peuvent éventuellement permettre de passer au tout « numérique », mais elles sont pour la plupart payantes et non remboursées, et de mon point de vue cela favorise donc l’inégalité d’accès au système de santé.
Pour ce qui est des rapports généraux hors du soin dans la démocratie en santé, les réseaux sociaux facilitent l’échange entre patients, représentants de patients et professionnels de santé et permettent un décloisonnement entre eux et de façon plus générale entre tous les autres acteurs du système de santé.
Quelles sont les limites de ces échanges ?
Je pense que les limites se trouvent dans la déshumanisation des échanges. Il est important d’avoir un rapport humain avec le professionnel de santé. Il faut que ces outils numériques viennent en complément de la relation de soin, mais ne s’y substituent pas. Ils doivent être choisis en accord par les deux parties, et non imposés par exemple au nom du progrès technologique et/ou d’une économie. Ils posent aussi de nombreux problèmes éthiques sur l’utilisation des données ou dans lignées de « surveiller et punir ».
N’y a-t-il pas aussi un risque de mauvais diagnostic à cause d’internet ?
Il y a des applications proposées qui sont construites sur des algorithmes, pour déterminer le degré d’urgence médicale d’un symptôme. Personnellement, je trouve que ce type de fonctionnement pose encore beaucoup de problèmes non résolus, notamment quand ils sont utilisés par des personnes ayant des maladies chroniques préexistantes. De même, si l’on vous dit d’aller aux urgences dans l’heure, où est l’accompagnement humain ? Mais peut-être que dans le futur, les algorithmes seront plus précis et permettront un diagnostic plus juste.
En quoi internet influe sur le champ de connaissance des professionnels de santé ?
Je ne crois pas que ce soit le cas de tous les professionnels de santé, mais il m’est arrivé d’en rencontrer qui allaient régulièrement sur les forums, pour notamment obtenir des informations scientifiques.
Internet leur permet aussi de se renseigner sur la façon dont est vécu un diagnostic / la vie quotidienne avec la maladie et ainsi de mieux accompagner leur patient, en prenant en compte la « vivrologie ». C’est quelque chose de très important pour nous patients, que nos soignants comprennent nos difficultés. La connaissance de la maladie, et la façon dont nous sommes accompagnés, changent considérablement notre quotidien de malades chroniques.
Source : www.scoop.it